Vanessa Carlton : Rabbits on the Run (2011)

Le Religionnaire ne saurait se proclamer emblématique du public visé par cette jeune bardeuse qui n’a, hélas, jamais su confirmer l’immense succès de son premier simple et tube que vous connaissez tous. Il serait probablement préférable de balayer le reste de son œuvre en dénonçant une énième chantouilleuse pseudofolk sexy condamnée aux bandes originales mielleuses de Grey’s Anatomy ou à la « Féérie Dansante des Sirènes ». Or le Religionnaire ne parvient guère à s’y résoudre, y compris face à cet album qu’il juge très moyen mais à travers lequel il perçoit une nouvelle fois un talent mal orienté. Loin de la colère antitesticulaire d’Alanis Morissette, des étranges caprices de Fiona Apple, des mélodies accommodantes et opportunistes de Sheryl CrowJewel ou encore Natalie ImbrugliaVanessa Carlton semble viser une version fraiche et naïve de Tori Amos, débarrassée d’une poésie et d’un intellectualisme parfois contreproductifs sur le plan musical. Le Religionnaire retrouve chez ces deux héritières de Kate Bush cette délicieuse nostalgie des années soixante-dix, délaissant les sonorités synthétiques, au profit d’une hégémonie pianistique influencée par la musique classique et volontiers renforcée par d’amples orchestrations, mais aussi en faveur de performances plus intimistes dont la portée et l’authenticité ne sont pas plus restreintes.

Ce quatrième disque s’impose déjà comme le moins extravagant de cette courte discographie. L’artiste le souhaitait sans fioritures, succombant à une idée reçue qui veut que le caractère s’affirme davantage à travers le minimalisme. Les discrètes entreprises promotionnelles, rapidement relayée par la frange la plus stérile et corrompue de la presse musicale, ont vite fait d’enfoncer une porte ouverte en proclamant l’inévitable « album de la maturité » sous prétexte d’un individualisme renforcé. Or il est évident que cet isolement survient en réaction au succès décevant des deux derniers disques : face à ce qu’elle imagine être un rejet du public, la jeune femme se retire, prétextant initialement vouloir se consacrer aux bandes originales de films pour enfin accoucher de cet album qu’elle considère à coup sûr comme sa dernière chance. Hélas, elle y délaisse les performances grandiloquentes et vitaminées qui faisaient son charme. Le ramollissement global est péniblement masqué derrière un effet de style presque conceptuel : une façade féérique désenchantée, modestement décorée par une chorale d’enfants, un cor d’harmonie ou encore un violoncelle.

Le contenu proprement musical n’est pas à la hauteur du climat sans pour autant mériter la colère religionnarienne, d’autant plus que cette œuvre saura se bonifier avec l’âge et les écoutes. L’échantillon maitre « Fairweather Friend », sorte de tourbillon mélodique paradoxalement apaisant, est constellé de petites ritournelles très attachantes et de plages ambiancées aussi mignonnes que sédatives. Le succès de cet album restera probablement modeste, ce qui achèvera de décourager la jeune trentenaire. Elle ira donc probablement se cacher dans des bandes originales mélodramatiques et nous privera de ses jolies vocalises de collégienne. La frustration de ses admirateurs n’aura de supérieure que la sienne, à moins qu’elle trouve enfin le guide auquel elle aspire, et qui puisse lui faire révéler bien davantage que sa bisexualité.

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